Contrairement à une idée reçue, la littérature parvient à communiquer l’incommunicable. Évidemment on ne peut nier que les existences et leurs histoires toujours singulières sont selon toute vraisemblance incommunicables, un peu comme les sensations, les maladies,...
Opus 132 | Blog
Musique, Littérature, Arts et Philosophie
(Anthologie) Virgile, L’Énéide, traduction Pierre Klossowski, éditions Trente-trois morceaux, Lyon, 2015, second tirage 2015.

« Le poème épique de Virgile est en effet un théâtre où ce sont les mots qui miment les gestes et l’état d’âme des personnages, de même que par leurs agencements, ils miment aussi les accessoires propres à l’action Ce sont les mots qui prennent une attitude, non pas le corps qui se tissent, non pas les vêtements ; qui scintillent, non pas les armures ; qui grondent, non pas l’orage ; qui menacent, non pas Junon ; qui rient, non pas Cythérée ; qui saignent, non pas les plaies. C’est par la machinerie des similitudes, des métaphores, que les gestes et les émotions des protagonistes ainsi mimés se réfèrent selon un rythme régulier aux phénomènes naturels et surnaturels d’une quotidienneté fabuleuse. Car ce fond, sur lequel se détache tel détail de premier plan, demeure la seule raison de l’action humaine : la résonance. Le mouvement vrai n’est pas dans l’action, mais dans la mélodie interne, le tableau dans des accords et dans des images contrastées, mais les images elles-mêmes jaillissent du choc des mots, non pas en ce qu’ils désigneraient quelque chose, quand même il s’agirait de “boucliers entrechoqués”, mais en ce que les syllabes d’un mot à l’autre se heurtent ou copulent pour une valeur de coloris ou de sonorité. » (p.9-10)
0 commentaires