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Paul-Marie Kuzma, Ionah Maiatsky, Ermitage, Académie musicale de Villecroze, Scala Music, 2025 (sortie le 27 janvier 2025). En concert le 27 janvier à 19h 30 à la Scala Paris.

par | 25/01/2025 | Classique, Discothèque, Musique, Uncategorized

L’Art de la fugue contre L’Art de la guerre et la Fugue de la mort.

La musique, parfois, lorsqu’elle touche à ce qui en elle est essentiel, une fois délivrée des considérations esthétiques et des mondanités, lorsqu’elle se retrouve, découvre son anachronie, autrement dit son inactualité. Une musique « actuelle », qu’est-ce que cela peut bien vouloir dire positivement, autrement qu’en extrayant d’elle-même son inactualité, ceci qu’elle soulève notre temps comme elle le ferait d’un autre.

Certes, il existe d’autres sonates pour violoncelle, songeons seulement à celles de Beethoven, de Brahms ou de Mendelssohn, mais celles présentées ici dans un très beau programme par les artistes que sont Paul-Marie Kuzma au violoncelle et Ionah Maiatsky au piano sont révélatrices de cette actualité inactuelle. À savoir la sonate, un peu connue tout de même, de Poulenc, celle très connue, mais bien secrète et toujours mal comprise comme d’ailleurs une part importante de sa musique emportée par les modes formalistes du siècle passée, de Rachmaninov, et puis la première parmi d’autres, avouons-le, inconnue, de Nikolaï Roslavets (1881-1944). Ce programme retourne notre temps, ne l’infléchit pas seulement, mais en montre une face sinon ignorée du moins cachée ou refoulée. Tourmentées, certes avec Roslavets, lyrique avec Rachmaninov, sérieuse et ironique, en un mot profonde, de Poulenc, mais jamais fermées avec la seule préoccupation d’elles-mêmes comme toutes les œuvres résultant d’un forçage intellectuel ou théorique, ces sonates pour piano et violoncelle sont ouvertes à l’autre.

Le titre donné à l’album, « Ermitage », peut induire en erreur et ce serait alors un contresens d’écoute qui se mettrait malheureusement en place. Or, « ermitage » est aussi, d’abord, un lieu où l’on se retrouve, où l’on se rassemble, où l’on parle, doucement, secrètement, où l’on se dit les mots et les sentiments qu’il faut dire et que la lumière éteinte de l’obscurité publique ne contient même plus en réserve. Alors, en effet, la musique prend son sens qui est de conférer la tonalité. C’est elle que l’on entend lorsque les paroles sont justes et qu’elles peuvent s’effacer d’elles-mêmes.

Hölderlin l’avait compris. Il devait savoir, mais il cru inutile de le préciser, que la pensée est elle-même la musique, que ses mouvements, ses courbes, ses soubresauts donnent sens à ce qu’il appelle ici « sacré », le sauf dans les temps de détresse :

« La vie de l’esprit entre amis, la pensée qui se forme dans l’échange de parole par écrit et de vive voix, sont nécessaires à ceux qui cherchent. Hors cela, nous sommes pour nous-mêmes sans pensée. Penser appartient à la figure sacrée qu’ensemble nous figurons. »

© André Hirt

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