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Itzhak Perlman, Écorcher le violon.

par | 4/06/2024 | Uncategorized

L’Art de la fugue contre L’Art de la guerre et la Fugue de la mort.

Le jeu d’Itzhak Perlman est remarquablement spécifique, l’on en reconnaît la texture tourmentée du violon, comme si, parmi une multitude d’instruments choisis à dessein afin de tromper l’écoute, il était impossible de se méprendre sur ce plein dense d’une étendue sonore, le maillage tendu de sa matière, ou encore les fibres de son muscle frottées par l’archet, l’espace sonore pulse d’organique, cela s’étire dans la douleur.

Le trait définitoire de son jeu instrumental, tel un motif spectaculaire, incontournable, irrémédiablement reconduit, c’est cette inflexion sonore qui résonne, d’une part, comme une déchirure, si douloureuse tant elle est aiguisée de délicatesse et de précision, et, d’autre part, ressemble à un décrochage synclinal. C’est à cet instant précis que le ravissement de l’écoute est intense, intensifié, lorsque la ligne sonore est brisée avec une maîtrise presque irréelle, inhumaine tant elle est rare, qui en sonde suffisamment les profondeurs pour permettre de ménager un espace de retour.

Le violon d’Itzhak Perlman possède un fort caractère, comme l’on qualifierait avec tendresse la rudesse élémentaire d’un aïeul admiré et qui fait tout à coup retour en un regain d’amour longtemps cru déjà indépassable. Son instrument porte la marque sonore d’une écorchure d’arbre composée d’une fibre séculaire et très intime car elle semble héritée d’un orgueil atavique. Lorsque son violon, et l’on peut l’affirmer avec force conviction, LE violon, résonne, il assiège l’espace sonore, il n’est nul besoin pour lui de réaliser l’effort d’un enchantement qui ne serait qu’un retrait. C’est plutôt l’évidence de son aimantation fascinante qui survit dans le halo de silence qui, immanquablement, l’accompagne.

L’on en veut pour preuve ce recueillement auquel l’écoute ne peut se dérober, comme si toutes ses forces étaient vouées à maintenir le temps du soutenable humain, et même plus loin, le temps d’un précipice à peine risqué de dépassement, une démesure juste assez délivrée pour impulser un regain de jouissance. Il en est comme de ces énergies solaires vertigineuses du foyer d’incandescence qu’un halo de plasticité de distance, de consistance invisible de matière dynamique, enserre de vide dense et qui n’est autre qu’une force antagoniste qui mesure la portée de ses élancements éperdus transformant cette énergie en beauté de pensée et de penser, en musique.

© Sara Intili.

Lien d’écoute : https://youtu.be/qtyTaE7LvVs?feature=shared

Image : https://images.app.goo.gl/XZNeHcMCuasQ3VmQ7

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