Anton Bruckner Symphonie 9
Un hurlement hémorragique ?
Carlos Païta, l’athée, entre en collision avec fracas dans l’œuvre, comme pour y déloger son dédicataire.
Aurait-il ressenti une foi ultime vacillante chez le compositeur ?
Un déchaînement obsessionnel compresse cette interprétation primitive, imprégnée de frayeurs métaphysiques qui déferlent et dégoulinent au-delà de la dernière note.
Enregistrée en public, le Maestro ne la dirigera qu’une seule fois dans sa vie avec la conscience d’un assaut unique, comme un aller simple non reconductible.
Je reste persuadé qu’il fut alors irréversiblement endommagé par une rencontre improbable, même si son fils Alexandre le réfute totalement.
Pour livrer cette bataille, il n’avait pas constitué un orchestre habituel, mais une armée de volontaires pour un combat héroïque, dont l’issue demeure une énigme interrogative sur le sens de la vie.
Dans cette vision proche de la démence, cuivrée de noirceur, la 9ième symphonie d’Anton Bruckner peut-elle encore être considérée comme une œuvre musicale ?
Me reviennent ces confidences :
« Cette symphonie est une assignation à affronter avec fureur un danger inconnu dont on ne revient pas. Elle nous délaisse au bord d’un vide effrayant, dans une solitude à jamais irrésolue. Aucun Chef ne devrait pouvoir s’autoriser d’y retourner une deuxième fois. »
Ce témoignage se désintéresse du beau. Il plante le glaive à bout portant.
© Éric ROUYER
Le Palais des Dégustateurs
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