On a déjà dit ici tout le bien qu’il fallait penser du quatuor Glière que composent les membres mentionnés ci-dessus, issus de plusieurs nationalités et parfois de bi-nationalités (autrichienne, polonaise, allemande, hongroise, ukkrainienne…, cela nous fait une belle Europe à nouveau si menacée de l’extérieur par l’impérialisme russe et de l’intérieur non seulement par les populismes mais aussi par ce qu’il faut bien appeler, sous prétexte de juger et de corriger l’histoire, par des poses et « l’empire du bien »). La ville de Lublin apporte sa contribution à cette publication.
C’est grâce à lui, à ce quatuor Glière, qu’on a pris connaissance des quatuors du compositeur qui leur a prêté son nom. À cet égard, on salue une fois de plus avec plaisir l’excellent label polonais Dux dont les publications se font dans les règles de l’art, sans recourir aux programmes aguicheurs qu’affichent désormais les disques, en convoquant des musiciens, des artistes qui méritent ce titre, et en exhumant des partitions sinon de la qualité des chefs-d’œuvre du moins contribuant à la connaissance d’un segment de l’histoire de la musique ou de l’évolution de tel ou tel compositeur.
C’est le cas dans cette publication très intéressante, qui nous fait découvrir le quatuor en la mineur (comme l’opus 132 de qui l’on sait, comme l’opus 13 de Mendelssohn) de Josef Wieniawski (1837-1912) et celui, en do mineur, on est tout ébranlé d’en avoir négligé l’existence, caché qu’il était par le quintette à cordes, d’Anton Bruckner (1824-1896).
Josef Wieniawski est bien moins connu que son frère Henryk, mais son quatuor n’est pas loin de prétendre au statut de chef-d’œuvre du romantisme tardif, capable de combiner, donc par la maîtrise au demeurant impressionnante, presque trop parfaite, la forme classique avec l’inspiration romantique. Les thèmes qui le composent sont inventifs, font parfois penser à Brahms, mais ils s’écoutent à part. C’est pourquoi ce quatuor mérite d’être introduit dans le répertoire.
On s’est précipité sur le quatuor de Bruckner, parce que le brucknérien que l’on est, n’a pas su résister à découvrir cette oeuvre, certes d’étude, conçue comme un exercice par le compositeur qui aura su élever le travail, la persévérance, en un mot l’honnêteté artistique, la modestie qu’elle requiert devant la responsabilité indispensable à l’égard de la musique, au génie. Bruckner connaît ses origines, et son quatuor permet de saisir au plus près comme une médiation nécessaire à l’oreille pour la compréhension des symphonies la continuité de la tradition de l’école viennoise. En effet, on entend encore Haydn, comme il résonne toujours jusqu’à Webern, et dans le 3° mouvement on saisit ce qui en droite ligne provient de Schubert. C’est alors toute une provenance de la musique, d’une musique, qui se déploie. Et on a le bonheur de découvrir le filigrane d’une œuvre, celle de Bruckner. On comprend définitivement que les origines ne se font jamais autant entendre en s’y remémorant comme une éclosion qui peut enfin avoir lieu que dans le tardif. Le sentiment nous vient alors que cette vérité s’impose à tous égards.
© André Hirt
À l’écoute :
Le quatuor de Bruckner dans l’interprétation du disque :
https://www.youtube.com/watch?v=jHB8xjZiV6E
(Youtube)
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