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Pelléas et Mélisande, Schoenberg, Fauré, Frankfurt Radio Symphony, Paavo Järvi, Alpha-Outhere, 2024. 

par | 9/09/2024 | Contemporaine, Discothèque, Musique

L’Art de la fugue contre L’Art de la guerre et la Fugue de la mort.

En définitive, puisque nous touchons bien à une sorte de fin, Pelléas et Mélisande, écrit par Maurice Maeterlinck, était tout près de constituer un mythe. Les Modernes n’en ont guère produit, sauf Don Juan, peut-être Faust… Car à considérer le mince filet qu’est devenu la grande musique (qu’on appelle à présent « classique », ou encore, c’est très moche, « savante », une musique en tout cas qui a besoin médiatiquement de son épithète alors que le générique « la musique » est désormais réservé à ce qu’on sait, par exemple par les bien nommées « Les Victoires de la musique »), on remarque la fécondité de ce couple : Debussy, Sibelius, et puis Schoenberg et Fauré, tous à peu près au même moment lui ont consacré une œuvre qu’ils espéraient majeure. Il n’y a, on peut l’affirmer que des réussites. Mais à des degrés d’importance divers.

C’est le mérite de Paavo Järvi que de mettre en face l’une de l’autre les partitions de Schoenberg et de Fauré. La première est prodigieuse d’expressivité (elle évite le symbolisme attaché au couple d’amants de Maurice Maeterlinck, sauf peut-être dans la partie 10, In gehender Bewegung, sur le CD, cela dit magnifique), atteignant parfois des dimensions tristanesques comme dans la partie 11 (Breit), la seconde est plus descriptive et légère (ainsi, la fameuse « Fileuse »), moins investie, peut-être, on prend le risque de l’affirmer, moins compréhensive du propos. Disons les choses autrement, sous forme d’images : chez Fauré, on ressent la légèreté de Mélisande, celle de son corps, de ses cheveux, en un mot sa délicatesse, on éprouve pour elle l’amour qu’on immédiatement porté à la beauté d’une personne. Mais c’est au détriment de la profondeur mystérieuse du personnage. Chez Schoenberg, on entend la violence d’abord rentrée puis exprimée de l’absent, de Golaud. Et la musique de Schoenberg tire sa force de cette absence, de ce souffle qui tombe sur les amants. Le drame est celui du tiers mis à tous égards hors-champ, de l’amant et de l’amante et non du conjoint légitime, du silence inatteignable par toute parole comme celui que garde Mélisande. Le drame est, qu’on l’entende comme on veut, musical. C’est aussi sa violence. C’est pourquoi, la grande partition est, dans ce parallèle, indéniablement, celle de Schoenberg. Elle est du niveau des Gurre-Lieder. Et à la hauteur de ce qu’a écrit Debussy. Alban Berg y a reconnu, à juste titre, une « symphonie », donc une œuvre pleine et entière.

L’autre grand mérite de Paavo Järvi est de faire réécouter ces pièces, surtout celle de Schoenberg. On revenait régulièrement à la très belle version de Sir John Barbirolli, moins à celle de Pierre Boulez. On reviendra vers celle de Paavo Järvi à cause de son dramatisme sobre  comme celui que rendent, à pleurer, les dernières notes de la partition.

© André Hirt

Un bref extrait du CD de Paavo Järvi (youtube) :

https://www.facebook.com/watch/?v=1820237125127027

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